En Inde, à Vârânasî, c’est-à-dire à Bénarès, au bord du Gange, il existe des hôtels du Salut, où les mourants louent une chambre pour 15 jours et repartent chez eux s’ils ne sont pas morts entre temps ! C’est ce qu’entreprend Daya, un vieil homme qui vit chez son fils et sa famille. Rajiv, le fils, se sent forcé de l’accompagner au risque de perdre son emploi. Contre toute attente, le père se lie d’amitié avec les pensionnaires, il regarde volontiers la télévision, se promène au bord du Gange avec grand plaisir, et écrit même les nécrologies de ceux qui meurent. Contraint par son travail et ne voyant pas se profiler la mort, Rajiv fait tout pour ramener son père dans sa famille ; mais il accepte finalement ce temps libre pour mieux apprécier le vieil homme qui lui rend la pareille. Cependant, il va bientôt falloir rendre la chambre…
Ce 1er film déjà multi-récompensé dans de nombreux festivals et apprécié dans son pays, est une belle découverte sur une Inde à la fois ancienne et moderne. En effet, Daya représente la tradition hindoue avec sa langue et ses coutumes. Rajiv est pris au piège de la modernité, traqué par son téléphone portable tandis que sa fille d’une vingtaine d’années : Sunita, revendique sa liberté en refusant notamment qu’on lui impose un mari. Les liens entre les générations se resserrent lors de ce séjour et chacun peut ainsi se libérer. Il s’agit d’une libération spirituelle pour Daya. Pour Rajiv, elle est simplement matérielle car il se détend peu à peu et s’ouvre, acceptant les événements tels qu’ils sont. Quant à Sunita, elle s’affirme comme indépendante.
Avec une grande sobriété, comme celles d’un peintre impressionniste travaillant par petites touches, les images de Shubhashish Bhutiani nous font pénétrer au cœur de cette ville sainte et de son fleuve sacré. La caméra, toujours fluide et délicate, saisit toute la vie qu’il y a autour de la mort et nous la fait ressentir. Un jeune cinéaste à suivre !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Hôtel Salvation, Shubhashish Bhutiani , 2016, 1h35, Jupiter Films, en salle le 2 mai.