C’est une facette mal connue du premier des “grands” réalisateurs japonais, Kenji Mizoguchi (1898-1956), que nous propose de découvrir ce coffret de 5 DVD. Les années 40 précèdent en effet les films de Mizoguchi les plus connus en Occident parmi lesquels “La vie d’Oharu, femme galante” de 1952. Les années d’après-guerre sont pour Mizoguchi synonymes de liberté retrouvée mais aussi une période de doute, et de remise en question face à sa difficulté de s’adapter au changement.
Le premier des cinq films sélectionnés, “L’épée Bijomaru” (1945) est l’un des derniers films de Mizoguchi tournés en période de guerre et donc soumis à la censure. Réalisé avec très peu de moyens, le film ne présente guère d’intérêt en soi mais témoigne comment les réalisateurs de l’époque s’évertuaient à donner du sens à leur film malgré la contrainte : pour Mizoguchi, faire de la thématique guerrière une métaphore de la création artistique et donner à la femme un rôle essentiel. Dans “Cinq femmes autour d’Utamaro” (1946), basé sur la vie du célèbre peintre d’estampes Utamaro Kitagawa (1753-1806), Mizoguchi s’attache à décrire la relation entre les femmes, l’art et l’amour. La figure d’Utamaro permet à Mizoguchi de montrer sa vision de l’artiste : une vie vouée à la création, passionnée sans recherche de la gloire, ni de la fortune, ni de la license. Le film illustre bien le style Mizoguchi : une mise en scène théâtrale et très vive avec des plans très longs et une caméra mobile (la célèbre règle “un plan / une scène”). Les trois films suivants sont une montée en puissance du thème majeur de la filmographie de Mizoguchi : la femme, sa place dans la société et son exploitation par l’homme et sa libération. Ces trois films sont aussi l’occasion de découvrir Kinuyo Tanaka, actrice fétiche de Mizoguchi qui l’a toujours soutenue, certes moins belle qu’Hideko Takamine ou Setsuko Hara, mais tout aussi éblouissante et versatile que ces dernières. “L’amour de l’actrice Sumako” (1947), mon coup de cœur de ce coffret, met en scène la vie d’une célèbre actrice de théâtre japonaise. Modèle de la femme résolument moderne et indépendante, icône pour Mizoguchi, Sumako est confrontée à la société conservatrice du début du XXe siècle. Un film haletant et bouleversant. S’en suit “Les femmes de la nuit” (1948), l’un des films les plus sombres et les plus violents de Mizoguchi, une plongée au cœur du monde des prostitués de l’après-guerre. Un film cru, inspiré du néoréalisme italien, qui montre et dénonce l’exploitation de la femme par l’homme, un appel à la révolte. Pour finir, “Flamme de mon amour”(1949) est un film clairement politique où le combat des hommes pour la liberté et la démocratie se double du combat des femmes pour leur émancipation et la reconnaissance d’un statut égal à celui des hommes.
Chaque film est accompagné d’un commentaire de Jean Douchet, court mais dense et particulièrement intéressant apportant à chaque fois un éclairage donnant envie de revoir le film sous ce nouveau jour. Chaque DVD comprend également un entretien avec le scénariste et réalisateur Kaneto Shindo qui dessine petit à petit les contours de la personnalité de Mizoguchi. D’autres surprises sont aussi au rendez-vous… En conclusion, un excellent coffret pour découvrir Mizoguchi ou aller plus loin dans la connaissance de son œuvre !
Éditeur : Carlotta Films
Pays : Japon