Ismail Merchant, indien passionné de cinéma et réalisateur originaire de Mumbai, vit à New York. James Ivory est un réalisateur américain, passionné par l’Angleterre et l’Inde. Ruth Prawer Jhabvala est un écrivain d’origine allemande, élevée en Angleterre, puis mariée à un architecte indien. Tout commence lorsqu’ils se rencontrent pour écrire, produire, puis réaliser le film The Householder (1961) au sein de la toute nouvelle société Merchant Ivory Productions (MIP). Le financement de ce projet est un peu particulier, l’argent provenant de distributeurs américains, figé en Inde par le gouvernement indien, celui-ci ne délivrant l’argent que pour des films tournés en Inde. MIP a su saisir cette opportunité.
La société de production commence par créer des liens avec l’intelligentsia du cinéma indien. Au Bengale, Ivory collabore avec Satyajit Ray (pour la musique de Shakespeare Wallah), qu’il considère comme son “gourou cinématographique” et dont il emprunte l’équipe, notamment les acteurs bengalis Aparna Sen et Victor Banerjee. A Bollywood, Ivory et Merchant font également connaissance avec la “dynastie” Kapoor, notamment Shashi Kapoor et sa femme Jennifer Kendal, qu’ils feront jouer dans plusieurs de leurs films. D’après Shashi, Ismail Merchant, homme très expressif et entreprenant, n’a pas hésité à s’incruster lors d’une soirée privée afin de le convaincre de jouer le rôle principal dans The Householder.
Shashi Kapoor fait partie de la célèbre troupe de théâtre itinérante de son père, le Prithvi Theatre. Jennifer de son côté, avec sa soeur (la célèbre Felicity Kendal) travaille dans la troupe Shakespeareana. Tous deux se rencontrent lors d’une représentation à l’Empire Theatre de Kolkata en 1956. C’est cette histoire d’amour sur fond de théâtre shakespearien qui inspirera Shakespeare Wallah, le film qui vaut à Merchant Ivory Production une reconnaissance mondiale en 1965.
Après la projection de plusieurs oeuvres d’Ivory au sein du festival “L’été Indien” au Musée Guimet, et le décès de Merchant en mai 2005, que le festival Cinémas & Cultures de Lyon avait accueilli en 1997, MK2 fait l’actualité en sortant l’essentiel de la production de MIP sur l’Inde dans un coffret de 4 DVD. En plus de Shakespeare Wallah, le coffret propose The Householder, Chaleur et Poussière et Bombay Talkie, accompagnés de nombreux bonus.
Ces films se situent dans une période de transition de l’histoire de l’Inde : le passage entre la phase coloniale et l’indépendance. Dans Shakespeare Wallah, la troupe de théâtre anglaise s’efforce de survivre en sollicitant des fonds auprès de mécènes et d’institutions indiens, ce qui devient de plus en plus délicat. Le public délaisse peu à peu les vers de Shakespeare pour s’adonner au cinéma populaire de Bombay.
L’intrigue de The Householder se déroule à Delhi. Prem vient d’épouser Indu, une jeune femme belle et pleine d’esprit. Pourtant, il a bien du mal à comprendre sa jeune épouse et lutte contre le poids des responsabilités que lui confère son nouveau statut de chef de famille. Il cherche donc aide et conseil auprès de sa mère envahissante, d’un ami plus âgé, et d’occidentaux venus en Inde en espérant y trouver une illumination…
Bombay Talkie (1970) dévoile le monde décadent des stars de Bollywood : l’alcool et les cabarets, le sexe, les faux gourous et les hippies désoeuvrés. Dans les bonus, James Ivory explique que l’utilisation du cabaret à Bollywood remplace les scènes d’amour. Ces séquences comportant des danses et des chants sont parfois dotées d’une sensualité bien plus forte qu’un banal baiser. D’après Ivory, Bombay Talkie montre le monde derrière l’écran de Bollywood, et aide à en comprendre les valeurs et les symboles.
Dans Chaleur et Poussière (1983), l’épouse d’un officier anglais tombe sous le charme d’un prince indien. Quelques décennies plus tard, sa nièce débarque en Inde pour retracer l’histoire de cette mystérieuse tante.
Les bonus sont le point fort de ce coffret. Parmi les huit heures de documentaires, téléfilms et entretiens, certains méritent une mention spéciale : The Sword and the Flute (1958) est un excellent documentaire consacré à l’univers des miniatures mogholes et rajpoutes. Il est suivi par le téléfilm Hullabaloo over George and Bonnie’s Pictures où des collectionneurs venus du monde entier se disputent les miniatures du Maharadjah de Jodhpur. Les documentaires The Delhi Way et Street musicians of Bombay sont également à retenir ; le premier est consacré à l’histoire royale de Delhi et le second aux musiques et sons que l’on peut entendre dans les ruelles de Bombay, évoquant le livre de Pasolini L’Odeur de l’Inde.
En conclusion, si vous désirez un aperçu de la vie des derniers Maharadjahs avec ses intrigues, ou connaître les codes de l’art indien, ou encore si les rencontres entre Orient et Occident vous fascinent, alors ce coffret vous comblera.
Éditeur : MK2
Pays : Inde